• TOGO : Bilan d'une gestion

    A la lumière du livre « A la rencontre du Togo » de Jean de Menthon, (éditions l'Harmattan), lecture éclairée par une expérience du terrain, nous nous permettons aujourd’hui l’autopsie d’une économie faite de hasards et de bricolages : l’économie togolaise dans laquelle tous les modèles furent copiés avec plus ou moins d’insuccès. Des plans quinquennaux à la chinoise (sans aucune provision budgétaire certaine) au modèle coopératif israélien (par effet de mode et opportunisme), un point commun caractérise toutes ces étapes : l’absence de perspectives à long terme et, tout comme pour la politique, absence de base idéologique ou théorique.

    Voici quelques exemples de ces erreurs de gestions...

    La verte révolution

    Le Togo est encore en majorité rural: les deux tiers des habitants vivent toujours de la terre. C'est pourquoi, à partir de mars 1977, Eyadèma avait donné le coup d'envoi de sa "révolution verte" pour développer la production agricole. L'objectif était de moderniser l'agriculture et d'arriver à l'autosuffisance alimentaire dans les cinq ans. Quinze ans après, en 1992, cet objectif n'est toujours pas atteint.

    La révolution verte impliquait une transformation des techniques de culture. le Président-révolutionnaire se laissa convaincre d'acheter d'un coup un grand nombre de tracteurs et de machines agricoles. Personne n'avait été formé à leur utilisation et on n'avait même pas prévu de hangars pour les abriter. Un développement de la culture attelée fut ensuite tenté, avec juste un peu moins d'insuccès. En 1982 fut institué le Propta, projet pour le développement de la traction animale. Le nombre d'attelages augmenta, tout en restant très faible. La presque totalité du million de cultivateurs continua donc à cultiver à la houe et à la machette. Les Allemands, au début du siècle, puis les Français, avaient déjà échoué à convaincre les paysans togolais de passer à la culture attelée.

    A la fin des années 1980, un projet de sucrerie intégrée a été lancé à Anié, dans le sud-ouest, avec l'aide des Chinois. 5.000 tonnes de sucre sont espérées. Jusqu'ici, faute d'assez de cannes, la production n'a atteint que 2.000 tonnes, ce qui représente déjà un quart de la faible consommation du Togo.

    Le Togo face à la mondialisation

    La rentabilisation de produits tels que le café, le cacao ou le coton ont fortement dépendu des cours de la bourse. Ainsi, des bas et des hauts se sont succédé, faute d'une sérieuse régulation des marchés impliquant une discipline de producteurs organisés. Le phosphate, quant à lui a subit d'importantes fluctuations à cause des campagnes écologistes.

    La conclusion qui s'impose, c'est que le Togo a absolument besoin de s'industrialiser, pour que son niveau de vie dépende moins de toutes les fluctuations, de toutes les spéculations, et du dollar. iI ne faut plus compter sur les exportations agricoles ou minières pour s'arracher à la pauvreté.

    C'est ainsi que lors du boom des phosphates, Eyadèma, très mal conseillé et accessible aux tentations, se lança dans l'industrie lourde: aciérie électrique, raffinerie de pétrole, cimenterie. L'aciérie et la raffinerie furent livrés clefs en main en 1978 et 1979, sans que des entreprises qualifiées y soient associées, sans étude sérieuse de marché ni des dépenses. La raffinerie devait traiter un million de tonnes, dix fois la consommation du Togo. En plus, ses caractéristiques ne correspondaient pas au pétrole du Nigeria, celui qui devait être acheté. L'aciérie, on l'a vu, fut sous-utilisée, la raffinerie ne fonctionna jamais.

    Au contraire, l'ensemble cimentier avait été étudié dans le cadre de la CEDEAO et son capital avait été constitué, à égalité, par la Côte-d'Ivoire, le Ghana et le Togo. Ce projet-là avait reçu la bénédiction d'experts étrangers et internationaux. Sur un important gisement de calcaire près de Tabligbo, à 45 km de la côte togolaise, la CIMAO (Ciments de l'Afrique de l'Ouest) construisit une usine de clinker. Cette usine qui avait démarré en 1980, dut fermer ses portes cinq ans plus tard, lorsqu'une sécheresse, affectant le barrage ghanéen d'Akosombo, la priva d'électricité. Cet accident était exceptionnel et le barrage construit sur le Mono, qui allait permettre une interconnexion, aurait évité à l'avenir de semblables coupures. Mais la CIMAO n'avait cessé d'être en difficulté, produisant un clinker plus cher que celui d'importation, surtout parce que, conçue trop grande, l'usine n'avait jamais tourné qu'à un tiers de ses capacités. De nouveau le surdimensionnement! Et la crise financière avait frappé les trois pays concernés juste au moment du démarrage du projet, entraînant une grave chute d'activité dans le bâtiment. De plus, les installations étaient faites pour une seule variété de ciment, ce qui empêchait de pallier les aléas du marché. Cet échec est d'autant plus désolant que le gisement de calcaire était important, qu'une ligne spéciale de chemin de fer avait été construite sur 45 kms pour apporter le clinker au port et que cette réalisation entrait donc dans le cadre si souhaitable de la coopération ouest-africaine.

    Un autre projet d'industrie lourde reste en suspens, celui d'une usine chimique d'acide phosphorique et d'engrais phosphaté Jusqu'ici le Togo n'a pas trouvé de partenaire. Et c'est sans doute trop tard: un ensemble chimique de ce genre a en effet été inauguré en 1984 au Sénégal. Quitte à s'aventurer seul au moment du boom des phosphates, le Togo aurait mieux fait de choisir une usine chimique, construite sur son phosphate, qu'une aciérie et une raffinerie alors qu'il ne disposait ni de minerai de fer ni de pétrole.

    La pêche

    Grâce à sa bordure atlantique, le Togo devrait au moins équilibrer sa balance pêche. Ce n'est pas le cas: au lieu d'exporter des quantités appréciables de poisson vers le Burkina-Faso, il importe un tiers de sa consommation. Celle-ci est assez forte, notamment sous forme de poissons séchés, faciles à transporter. La consommation est évaluée à environ un kilo par mois et par personne.

    http://www.faircrafts.ch


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